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Dans son livre, François Jullien évoque la réduction qui s’opère dans les commentaires lettrés des œuvres les plus anciennes de la poésie chinoise, l’exploitation symbolique qui pourrait en être faite sur le plan spirituel étant délaissée au profit d’un déplacement de la signification sur un plan moral et politique. C’est ainsi que parlant des Chants de Chu (principalement le Lisao

離騒

, jap. Lisô, attribué à Qu Yuan, IVe -IIIe siècle avant notre ère), le sinologue français en vient à évoquer les rapports, en Chine, de la poésie et de la politique, rapports qui feraient obstacle, selon lui, à la constitution d’un plan proprement spirituel adossé à un invisible métaphysique :

En Chine, la préoccupation politico-morale a fermé la voie au développement du sens sur un plan spirituel ; et l’assignation d’un référent particulier a détourné les commentateurs d’une construction symbolique.44)

Si la poésie japonaise classique dans une de ses évolutions majeures mise en œuvre dans le Shin-kokin-shû portait en elle quelque chose qui préfigurât le symbolisme français entendu au sens large et profond du terme, la reconnaissance d’un invisible métaphysique qui ne s’incarnât dans aucune croyance dogmatique ni dans aucun mythe figuré, si donc la poésie japonaise était proche du symbolisme dans son essence, la rencontre avec la poésie française devait sans doute nécessairement aussi contribuer à un refoulement en quelque sorte réassuré, relégitimé de « préoccupations politico-morales » qu’elle ne pouvait ignorer être constitutives de la poésie chinoise. Alors que, de son côté, la poésie chinoise, qui dès le départ avait donné un sens d’allusion politique aux images de sa

tradition devenues peu cohérentes ou peu compréhensibles, et qui avait toujours ainsi plus ou moins lié la poésie au politique, se sentirait finalement davantage d’affinités avec le romantisme européen.

Textes japonais ou chinois anciens cités.

1) Yamano.ue no Okura 山上憶良(660-733) Man.yôshû万葉集(Recueil des dix mille feuilles).

Bingu mondahu no uta貧窮問答歌(Dialogue de la misère) :

Yononaka wo / ushi to yasashi to / omohedomo / tobitachikanetsu / tori ni shi

araneba 世中を憂しとやさしと思へども飛び立ちかねつ鳥にしあらねば « Ce

bas monde / pour humiliant et cruel / j’ai beau le tenir / mon envol je ne puis prendre / car je ne suis un oiseau ».

2) Fujiwara no Shunzei 藤原の俊成(1114-1201) Koraifuteishô『古来風躰抄』

(Notes sur les styles depuis l’Antiquité, 1197-1201).

人の心を種としてよろづの言の葉となりにければ,春の花をたづね,秋の紅葉 を見ても,歌といふものなからましかば,色をも香をも知る人もなく,なにを かは本の心ともすべき.

3) Kamo no Chômei 鴨長明(1155 ?-1216) Mumyô-shô無名抄 (Notes sans nom ?, 1211-1216)

一詩に多くの理を籠め,現さずして深き心ざしをす,見ぬ世の事を面影に浮か べ,いやしきを借りて優を現し,をろかなるやうにて妙なる理を極むればこそ,

心を及ばず詩も足らぬ時,是にて思ひを述べ,三十一字が中に天地を動かす徳 を具し,鬼神を和む術にては侍れ.

4) huitain de Ruan Ji 阮籍(210-263 ; Jouan Tsi, Juan Chi ; jap. Gen Seki).

Minuit et ne pouvoir dormir :

夜中不能寐 夜の中ばなるまで寐ぬる能わず

Je me lève et fais résonner ma cithare.

起坐弾鳴琴 起ち坐して鳴琴を弾く

Le fin rideau reflète le clair de lune,

薄帷鑒明月 薄き帷に明月鑒り

Le vent limpide souffle sur ma poitrine.

清風吹我襟 清き風は我が襟を吹く

L’oie solitaire crie dans la plaine au dehors,

孤鴻号外野 孤鴻は外なる野に号び

L’oiseau planant chante à la forêt du Nord.

朔鳥鳴北林 朔鳥は北の林に鳴く

Aller-venir : qu’y a-t-il donc à voir

徘徊将何見 徘徊して将た何を見る

Des pensers tristes – dans la solitude – blessent le cœur.

憂思独傷心 憂思して独り傷ましいむ

吉川幸二郎,高橋和巳 中国詩史 上 筑摩書房 筑摩叢書 94 東京 1967 ; p. 210

5) Matsuo Bashô 松尾芭蕉(1644-1694) Oi no Kobumi笈の小文(Carnet de la hotte, 1709).

西行の和歌における、宗祇の連歌における,雪舟の絵における,利休が茶にお ける,その貫道する物は一なり.しかも風雅におけるもの,造花にしたがひて 四時を友とす.見る処花にあらずといふ事なし.おもふ所月にあらずといふ事 なし.象花にあらざる時は夷にひとし.心花にあらざる時は鳥獣に類ス.夷を 出で,鳥獣を離れて,造花にしたがひ,造花にかへれとなり.

Notes

1) Sartre Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme, Paris : Nagel, 1946, 141 p. ; p. 92-94.

2) SYMONS Arthur, Hyôshôha no bungaku undô (The Symbolist Movement in Literature), traduit en japonais par Iwano Hômei, Tôkyô : Shinchôsha, 1913, 326 p. (édition anglaise : London : William Heinemann, 1899, 197 p. ; アサ・シモンズ『表象派の文学運動』岩野泡鳴訳 東京 新潮社1913

3) RIMBAUD Arthur, Œuvres, sommaire biographique, introduction, notices, relevé de variantes, bibliographie et notes par Suzanne Bernard et André Guyaux, Paris : Bordas, Classiques Garnier, 1991, 576 p. ; p. 225.

4) BAUDRILLARD Jean, D’un fragment l’autre – Entretiens avec François L’Yonnet, Paris : Le Livre de Poche, « biblio essais » n° 4344, 2003, 159 p.

; p. 68-70 (Paris : Albin Michel, 2001).

5) KATÔ Shûichi, Histoire de la littérature japonaise, Paris : Fayard, 3 vol., 1985-86, 378 p., 276 p., 374 p. ; I, p. 107.

6) Ibid., I, p. 107.

7) Ibid., I, p. 105 et 112.

8) Ibid., I, p. 109.

9) Ibid., III, p. 311.

10) Shinchôsha (éd.), Zôho kaitei Shinchô Nihon bungaku jiten(Dictionnaire

de la littérature japonaise Shinchô – édition revue et augmentée), Tôkyô, Shinchôsha, 1988 (1reédition : 1968), 1756 p. ; 新潮社編『増補改訂新潮 日本文学辞典』東京 1988 ; p. 1279.

11) Traduction de René Sieffert : POF/UNESCO (éd.), Man.yôshû– Livres IV à VI, présenté, traduit et commenté par René Sieffert, Paris, 1998, 381 p. ; p. 237. Il s’agit du poème n° 893 du livre V, un tankaqui sert d’envoi proprement dit au dialogue et dont Sieffert affirme curieusement qu’il n’est pas à la mesure du long poème qu’il clot, mais d’une « banale constatation » (p. 236).

12) KATÔ S. (1985-1986), op. cit., I, p. 99.

13) GIRAUD Jean-Pierre, Archétypes, aspects et représentations du guerrier dans l’imaginaire littéraire de l’Ancien Japon, tapuscrit inédit soutenu en hdr à l’Université de Lyon III, 10 mars 2004, p. 99.

14) Ibid., p. 144.

15) Ce tankase trouve dans le Saigyô Hôshi Ka-shû西行法師家集(Recueil des wakade Saigyô) appelé aussi 異本山家集 (Édition variante du Recueil de l’ermitage de montagne) censé avoir été composé par Saigyô lui-même dans les dernières années de sa vie.

16) LAVELLE Pierre, La Pensée japonaise, Paris : PUF, « Que sais-je ? », n°

3188, 1997, 128 p. ; p. 10-11.

17) Cf. GRIMAL Pierre, La Civilisation romaine, Paris : Arthaud, « Les grandes civilisations », 1960, 542 p. ; p. 72 et 461.

18) NAKAGAMI Kenji, Sur les ailes du soleil(Nichirin no tsubasa 日輪の翼

Tôkyô : Kawade shobô shinsha, 1984), traduit du japonais par Jacques lalloz, Paris : Fayard, 1994, 381 p. ; p. 82-83.

19) p. 50 20) p. 347

21) JULLIEN François, Procès ou création – Une introduction à la pensée chinoise, Paris : Éditions du Seuil, « Le livre de poche, biblio essais », n°

4238, 1989, 342 p. ; p. 293-294.

22) Bibliothèque Nationale (éd.), Le Chrysanthème solitaire, introduction et traductions par Jacqueline PIGEOT et KOSUGI Keiko, Paris, 1984, 77 + XXXIII p. ; p. 17-19.

23) IMPELLUSO Lucia, La Nature et ses symboles, traduit de l’italien par Dominique Férault, Paris : Hazan, « Guide des arts », 2004, 384 p.p. 149-153.

24) Ibid. p. 244-246.

ドキュメント内 Symbolisme et transcendance dans la poésie japonaise (ページ 37-41)

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