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Proust entre guillemets : Sur la fonction de la citation dans le roman

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Proust entre guillemets : Sur la fonction de

la citation dans le roman

journal or

publication title

年報・フランス研究

number

37

page range

23-35

year

2003-12-25

URL

http://hdl.handle.net/10236/10308

(2)

23

Proust entre guillemets

Sur la fonction de la citation dans le roman

Ko IWATSU

L'innd61it6 typographique

Proust utilise beaucoup les guillemets.Cela relё ve de la lapalissadee Ce sont les guillemets qui,comme chez d'autres 6crivains,font apparatttre les

discours des autres dans A Jα rθε力θrc力θグ “

″θ″ s′θrd“. IIs connaissent essenticHement trois usages : introduire des conversations;mettre en relief, parfoisironiquement,des expressiOns particuliё res des personnages(Fran9oiSe,

de Charlus,Cottard,ctc。 )ou des milieux(mondain,joumaliste,militaire,

CtC。); reproduire des 6cHts autres que celui du Narateur. Ces trois usages

servent a introduire dansia narration a la prenliё re personne des corps 6trangers, des rnots qui ne sont pas de soi。

Mais, si les guillemets ont pour fonction de garantir la fid61it6 d'un

6nonc6 r6pёt6 par rapport a l'6nonc6 original,se posera d'emb16e une question

fondamentale:ッ α―′_J′4θ εJ″′Jοれノグυル αα4S J`rο “

ακ′

Pour le roman,le manuscrit est un ёquivalent de l'6nonc6 original,ct le

texte irnprilnё est une reproduction, une citation au sens ie plus iarge du

(3)

24 Proust entre guinemets

tOttOurs au lTlanuscrit.Bernard Brun relmarquc a ce propOs:《 Les dialogues, nombreux, sont encadr6s par des guillemets, les r6pliques 6tant introduites par des tirets,avec,a chaque fois,un alin6a.Une fois encore,les corrections dc Proust sur les ёpreuves n'ont pas ёt6 respect6es(1).》 lEn effet,1'op6ration

typographique varie consid6rablement selon les 6ditions que nous consultons. Par exemple,on lit une lettre reproduite en italique dans la nouveHc 6dition

de la P16iade:

J'ouvHs ia lettre dしへibertineo EHc ёtait ainsi con9uc:

Moκ α″:J,′αrdO″ 4αひ′ηθJごθ ttθ ′α∫αソθJr θ∫ご ソθ “ sごJr`グ `ソJソ` ソοりじノ`S c“ `′9“`s″ οな9“ Jソο″rs“Jソr`,用 ηJsノ `S“lis sj″ε力θ,ブ 'αJわ巧θ “ rs`“ ∫J′ `“ r グθソα″′ソο “s,9“`,″´″``κ“`ノ br9α “ ′,ノθた'αJ′αs`“ ′θ CO“rαg`αθ J`ノZJr`. VOJεJ ε `9“θブ 'α “ rαJSご2ソθ “sご j″θr En′θ″θ “ s,′αソJθθsrごθソθ ““θJ″′θssJb′θ, ソ0“Sα ソ `Zど'αJ′′θ“rs ソ“′αr ソ0″で α′gα

rdcご

θ′ 'α “″で sοJr 9“ 'J′ y αναJ″ 9“ `′9“`ε 力Osθ グ `ε力α″gご dα燿∫″οs rα′ροrrs.cθ 9“Jαρs'arrα″g`rc`′`ヒ ″ “

J′―めdしνJιだraJ′ Jrrζ″鵬αbル da“s9“θ′9“θsJia“rs.√...ノAごJθ

“ ,ノ `ソο∫た劉iSSθ ノθ “ηθ J′′ `“ ″ご `“ηθ J―′″ "η θ.ハ′bθ″′J″ `.

Tout cela ne signine Hen me disづ e,c'eSt meme meilleur quc je ne pensais,

car conllne cllc ne pense rien de tout cela,cHc ne l'a6viderrlinent ёc」t quc POur frapper un grand coup,afin qucje prenne pcu/2)。

La meme lettre est rnise entre guillemets dans la version 6tablie par Jean

Milly:

J'ouvris ia lettre d'Albertine.EHc 6tait alnsl con9uc:

《Mon anll

(4)

Proust entre guinemets 25

qui vont suivre,mais je suis si lache,j'ai tottOurs eu si peur devant vous, quc,meme en me for9ant,je n'ai pas cu le courage de le faire.Voici ce que j'aurals da vOus dire.Entre nous,la vic est devenuc impossible,vous avez

d'aincurs vu par votre algarade de l'autre soir qu'il y avait quelquc chose dc

changё dans nos rapports.Ce qui a pu s'arranger cette nuit-1れ ,deviendrait

irだprable dans quelqucs jours.[…]Adieu,je vous iaisse le meiHcur de

Albertine.》

Tout cela ne signific●en,me disJc,C'CSt meme meiHeur quc je ne pensais, car comme cHe ne pense rien de tout cela,cHe nel'a ёvidemment 6crit quc

POur frapper un grand coup,afin queje prenne peuメ 3).

La reproduction de Jean MiHy lnet davantage en valeurla fome 6pistolaire

que ceHe de la P16iade,en s6parant du texte de la lettre la formule d'ouverture

et la signature. En revenche,la typographie de la PIё iade donne un espace

vraisemblable d'une ligne entre le texte narratif et le texte 6pistolaire,tandis

que la version Milly incorpore la lettre cit6e dans le discours citant. Si les

guillemets introduisentles paroles des autres,il faut que la typographie respecte

autant que possible la composition originale. Mais conline ll s'agit d'une

lettre flctive ins6r6e dans un roman,il n'existe pas l'original rneme.La mort del'auteur empechantcelui― ci de r6viseria version ultirne complique davantage

la chose。

《Proust utilise peu l'italique》 ,remarque Anne Herschberg― Pierrot dans

Sa Sり′J′S″J9“

`dc Jα ′rοs`(4)。 Il est vrai quc Proust n'emploie pas beaucoup

l'italique sauf pour rrlarquer les iangues 6trangё rese Cependant,pour discuter une op6ration typographique chez un 6crivain conllnc Proust, qui n'a pas

ёtablile texte d6flnitif de son roman,il fautse garder de conclure si hativement。 L'italique de la lettre cit6e dans ia version P16iade envisage le texte ёpistolaire

(5)

26 Proust entre guillemets

conllne un corps 6tranger par rapport au texte naratif,tandis que la version

Milly semble joindre la lettre a la narra● on.

Nous ne savonS pas laqucne cOnvient le Πlieux≧ 1'intention dc Proust.

Or,le souci de la typographie citationneHe est assezだ cent― Rabelais,dont

le manuscHt du roman n'a pas ёtё retrouv6,ne se souciait pas des variantes,

dans ses diverses 6ditions;la typographie de la citation pour la lneme phrase

est inconstante(un point; une virgule; deux points; indication nonlinative

conllne dans les textes th6atraux。 (5)).Au xlxC siё cle,Rilnbaud laisse ouverts,

tout au d6but d'υ4θ sαJsO″

`4`ψ

r,leS guillemets sans les fermer,dont on

ne saura jamais si c'こtait un acte intentionn6 ou un accident.Quant a Proust,

les deux versions 6voqu6es ci― dessus d6terrrlinent chacune quelque peu

l'attitude du narrateur par rapport au langage des autres.

La question ne s'arrete donc PaS Seulement sur la typographieo Exanliner

les usages des guillemets chez Proust rnё nera a retrouver《 1'infld61itё 》dans

ia relation qu'entretient le narrateur proustien avec les autres.

L'inttd61it6 citationnene dans le te】

mps

On dit souvent que les guillemets sont employё s dans ie discours direct pour reproduire textucnement les paroles ou les 6crits(″ 7j“ιSj∫)et que le

discours indirect en traduit le sens(グ jζgasJs). TOutefOis, 1'explication en

fonction de la fld61it6 de la citation ne sufflt pas lorsqu'on rencontre une

phrase comme la suiVante:

Malheuresement,ayant pris l'habitude de pensertout haut,cHc[tante L6onic]

ne faisait pas tottours attention a ce qu'il n'y ent persOnne dans ia chambre

voisine,etje l'entendais souvent se dire a elle_meme:《 H faut que je me mppelle quc je n'ai pas bien dormi》 (Car ne jamais dormir ёtait sa grande

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Proust entrc guillemets

Fran9oise ne venait pas《 1'ёveiller》,Inais《entrer》 chez cHc;quand ma

tante voulait faire un somme darls la joum6e,on disait qu'elle voulait

《だf16chir》 ou《reposer》 ;et quand il lui amvait de s'oublier en causant jusqu'a dire:《 ce qui rn'a“veillёe》ou《j'ai rev6 quc》 ,cHc rougissait et

se reprenait au plus vite)(6).

Lc monologuc guillemet6 de la tante L6onie releve du discours direct.

Quant a ces verbes a l'inflnitit font― ils partie du discours direct ou du discours

indirect? Proust 6vite solgneusement de conJuguer les verbes pour que la

valeur citationnene de ces derniers soit ambiguc。 (yest une citation,rnais une citation d6form6e,d6tach6e du temps pr6cis,car l'inflnitif est une forme non

temporeHc.Avec l'imparfait(ソ

`4αJ″,ソθ′′αJ′),On sent que les lnembres de la

famille r6pёtent ces verbes en les cottuguant.Les deux exemples au pass6 compos6 - la forme singulative― seront compris, grace aux guillemets,

conllne expressions it6ratives sans formulations syHeptiques teHes que″ θ “ s ルSノο “ だ,ε `″

αど―め,etc.Au demeurant,ces verbes a l'infinitif et au pass6 compos6 restent ′αr″J`′′θ

“`ん

″ une citation directe, car l'infinitif fait

textuellement partie de ce qu'ont ditles personnages.Le critё re direct/indirect,

fldёle/infldёle n'explique donc Pas clairement ce cassc― tete de la citation。

Meme dans un discours direct,dontl'embrayage est explicite,il est possible de retrouver une infld61it6 caus6e du d6calage temporelo Ainsi:

Et Fran9oise,nous transmettant les conlissions de la rnarquise:《 lEHc a dit:

Vous icur donnez bien le bottour》 cOntrefaisant la voix de la marquise de ViHepansis de laqucHc ene croyait citer textucnement les paroles,tout en ne les d6fomant pas lnoins quc Platon ccnes de socrate ou Saint― Jean ceHc

(7)

28 Proust entre guillcrllets

La diction de Fran9oiSe ne reproduit pas《 textucHement≫ les paroles de

Mme de Villeparisis,non seulement parce qu'cHe n'a pas ia meme voix quc la marquise 一 meme si Fran"iSe est flё re de son talent Πlim6tique de la

voix des visiteurs(8)_, mais aussi parce qu'il y a une distance entre les

paroles originales et les paroles inlitёes ou《 d6form6es》 .Cette distance est

temporeHe,car l'acte de r6pёtition comprend une id6e de temps. Platon et

Saint―Jean 6taient peut― etre des disciples《 fidёles》 a leurs ma↑ tres,Inais le

temps les empechaient d'en garder tenes qucnes des paroles originales; le

temps ies obligent de reproduire les paroles en 6criture,sinon pour faire un livre, pour faire les conna↑ tre au lecteur qui こtait absent au moment de l'6nonciationo Au MIoyen Age,Isidore de Sё 宙Hc a dtta remarquё cette distance

temporene:《 二だ″″θrαθ 40bjsごJε′ααbsθ4′′

″25Jんθソθε

`′ο9“ακ′r.》 (《 Les

iettres nous rapportent en silence les voix de ceux qui sont absents(9). 》 L'absence de l'6nonciateur initial est une condition de la citation. Citer, c'est, au sens juridiquc, appeler un t6moin dans le tribunal, c'est-2-dire convoquer quelqu'un qui est jusqu'alors absento Ainsi,la citation mё ne en memetempSl'absence etl'apparition de l'auteur cit6.

Les paroles et l'6crit

Le temps empeche la puretё de la r6p6tion langagiこre.Quant a la citation

provenant d'un ёcHt, il semble tout de meme pOSSible de citer celui― ci

《textucHement》,car un ёcrit ne change pas avec le temps.

Lc texte proustien,plein de conversations sinucuses,comprend beaucoup

d'cxemples d'une discussion autour d'une citation d'un 6crito Puisqu'il s'agit d'un dialogue,plusieurs narrateurs se relayent tour a tour a l'int6rieur d'un

(8)

Proust entre guillemets

[SWann]sc tOumant vers lnon grand― pёre:《 Donc Saint―Silnon raconte quc Maulё vHer avait eu l'audace de tendre la nlaln a ses fils,Vous savez,c'cst

cc Mau16vrier dont il dit:“ Jamais je ne vis dans cette 6paisse bouteille que

del'humeur,de la grossiёretё et des sottises."一 Epaisses ou non,je connais

bouteilles ot il y a tout autre chosc》 ,dit vivement Flora,qui tenait h avoir

remerciё Swann ene aussi,carle pだscnt de vin d'Asti s'adressait aux dcux。 C61ine se rnit a rireo swann interloquё reprit:《 “Je ne sais si ce futignorancc

ou panneau",ёcrit Saint―Silnon,“il voulut donnerla main a mes enfants.Je m'en apettus assez tOt pourl'en emメ )Cher。"》(1°

E)'abord,le Narrateur cite les paroles de Swann.Dans ses 6nonc6s,Swann

explique le contexte des lnots qu'il cite de Saint― Silnon.Lc Narrateur introduit ensuite avec un tiret les paroles de Flora.La demiё re citation est double:les

guillemets garantissent les paroles de Swann qui sont constitu6es par les

mots de Saint― Silnon alors que ceux― ci sont rapport6s avec des virgules

invers6es. La citation appartient donc a la fois aux paroles de Swann et au

texte de Saint―Silnono Les guillemets doub16s servent ainsi a assilniler les

paroles ou l'6criture des autres.

Donnons un autre exemple:

CoΠIIne nous revenions d'une grande promenade,nous aper90mes prё s du

Pont―Vieux Legrandin,qui a cause deslЮtes,restait plusieurs」ours a combray. II vint a nous ia main tenduc:《 Connaissez―vous,monsicur le liscur,me demanda―t―il,ce vers dc Paul Dettardins:

二ιs bθJs sθκ′d●a″θJrs,J`εJιJ θs′

`κεθr bJθ

.

N'est―ce pas ia flne notation de cettc heure― ci?Vous n'avez peut― etrejamais

(9)

30 Proust entre guillemcts

en frёre precheur,rnais ce fut longtemps un aquareHiste lilnpide.¨

二βs bθJs sοttr d●a“。jrs,′θ cJθJ`∫′θttεθr b′

`“

QuC le Ciel reste tottourS bleu pour vous,monjeune ami;et meme al'heure,

qui vient pour rnoi lnaintenant,oさ les bois sont daa noirs,oこ la nuit tombc

vite,vous vous consolcrez corFIInCje fais en regardant du cOtё du ciel.》(11)

C)'est l'italique,cette fois,qui distingue manifestement l'6crit des paroles.

Mais dё s que cet 6crit est prononc6 par Legrandin,1l constituc une partie de ses paroles. I)ans ia pratique de la r`citation, bien sOr, Legrandin devrait

prononcer le vers avec une diction particuliё re,comme exactement le fait la duchesse de Guermantes:

[...]一 Mais oui》 ,repHt la duchesse,cn ttOutant de plus en plus aux mots (qui ёtaient presque des mots de moi,carj'avais justement ёmis devant elle une idCc analoguc),gぬ ce a sa prononciation,1'ёquivalent de ce que pourles caracteres imprimёs on appcHc《 italiquc》 1¨ .1(12).

Autrement dit,1'italiquc est un《 ёquivalent》 a une diction particuliёre.

Mais l'6quivalent n'est pas identique. La rё citation(r6-Citer)tranSfOrme un

6crit en des paroles。 0「,la rneme structure est retrouv6e dans la citation d'un 6crit. Sans doute Chateaubriand le savait― il quand i1 6crivait cette c616bre phrase sur l'autocitation:《 Je me cite ce ne suis plus que le tempsy13)》

.Le

Sttet de l'6nonc6 cit6(“

)et Celui de l'こnoncialon citante

σθ

)ne SOntjamais

identiques,Ineme s'il s'agit d'une personne qui porte le meme nomo L'auteur

Cit6(″κl)eSt absent lorsqu'appra↑ t celui qui cite(3θ)。Au dё calage temporel et

(10)

Proust entre guillemets 31

infranchissable)entre 6Crit et parole comme condition de la citation. La citation d'un texte ictif

Proust cite souvent de m6moire. La maladie ne lui permettait pas de

disposer de tous les livres qu'il voulait consulter.Ainsi,il manque quelques lignes dans sa citation de Manarrn6(14). seS fr6quentes citations de Mme de

S6vign6 paraissent plutOt des paraphrases du texte original(1⊃ 。C'cstl'infld61it6 de la in6moire.

Ayantle texte onginal de Manarm6 a cot6,Proust aurait pu quand rrleme

《corriger≫ ses citationso Mais devant un texte fictif,comme un passage de

Bergotte,on n'a plus quoi consulter.Il para↑ tqu'il s'agit de la rneme structure

qu'a la citation de Fran9oise dont toutes les paroles ne sont qu'une flction

sans source histoHque; c'est un dё placement du langage a l'intёricur du romano Par contre, un texte 6crit inserr6 dans ie roman fait croire que la

citation renvoie a l'ext6rieur de la narration donlinante.Lesromans de Bergotte, lus《 partout en Europe,en AIT16rique,jusque dans le lTloindre village》 (1°

,

mais 6temenement indisponibles pour le lecteur de Jα Rθσん

`″εん`, doivent

avoir,en tant qu'6crit,le meme pOids que le texte du roman. ILc Narrateur

esquisse le style du romancier qu'il adore,colTline suit:

Puis je remarquai les expressions rares,presques archaiiques qu'1l aimait

employeracertainsmomentsotun■ otcach6 d'hamonie,un pr61udeintё ricur, soulevait son style;et c'ё tait aussi a ces lnOments― la qu'il se mettait a parler

du《vral songe de la vie》,de《 1'inёpuisable torent des belles apparences》 ,

du《tounnentstёrile ct dёlicicux decomprendrectd'ailner》 ,des《ёmouvantes

effigies qui anoblissent a jamais ia facade vё n6rable ct chamante des

(11)

32 Proust entre guillemets

Les 6diteurs ont beau rappeler un 6cho d'une phrase d'Anatole France et les vers de Leconte de Lisic extraits de《

La Maya

, Bergotte 4'θs′ ′αs

France ni de Lisle(18). IExpliquer l'cxistence de Bergotte par un Ccrivain 《modёle》 est doublement faux:1)Bergotte e対 ste au meme titre que France,

parce qu'll est cit6 par le Narrateur dans ic meme texte。 さ France aussi est cit6.2)II n'CXiSte aucun signe al'int6ricurduromanpourmarquerlafictionalitё

de l'existence de Bergotte. La tentative de Jean MiHy pour r6tablir avec

rrlinutie les caractё res th6matiques, syntaxiques et phoniqucs du style de

Bergotte(19),n'en r6sout pas lnoins le problё me.

Il eSt iFnpOssible,bien entendu,de v6rifler la fid61itё d'une citation sans sourceo Mais ce n'est pas pour autant dire qu'cHe ne renvoie plus a rieno Au

contraire, cne renvOle, meme faussement, a une certaine histoire possible;

cHe cr6e une illusion historique par son pouvoir r6f6rentiel. 1」 ne citation

contrefaite a affaire a la th6oHe de la flction qui s'appuie sur la logique des

noms propres propos6e par Saul Kripke(20)。 On est souvent tent6 a d6flnir le sens d'un nom propre par ses propriё t6s.Par exemple,le nonl施 rcθ′Prο′s″

peut etre con9u par quelques prop五 こt6s comme`θrlivαJれルα4fα JS,どθ

J―Ji“√

α′αごθo Mais, Ineme si ces propri6t6s sont fausses, selon Kripke, le nom continuc a renvoyer a quelquc chose ou a quelqu'un d'identique,sinon on serait incapable de meme supposer une fausse proposition comme:《 Proust

est n6 en 1960》 。Kripke appeHe cette fonction le《 d6signateur rigide》,et il

introduit la notion du 《 monde possible 》pour expliquer ce pouvoir de supposition irr6elleo Les guillemets ont pour fonction,comme la mttusCule

initiale du noΠl propre,de valider le pouvoir r6f6rentiel de la citationo Si l'on croit a l'existencc historique du personnage nonllnこ Bergotte,on est 6galement

oblig6 de croire a l'cxistencc historique d'un texte nlis entre guillemetso La

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Proust entre guinemets 33

La deIIli口ind6pendance de la citation

L'infldёlit6 de la citation se r6alise sous trois conditions: 1)le d6Calage

temporel entre la lecture (r6Ception visucne ou auditive)et l'6criture; 2)

1'ambiguTt6 de la frontiere 6crit/Parole; 3)la fiCtiOnalit6 du texte faute de

rёf6renceo Ces trois conditions t6moinent,en effet,de la fragilit6 g6n6rale du

monde proustien ot tant de《 v6●t6s》 sont impitoyablement d6couverte et

d6menties.

La citation n'est pas qu'un d6cor dansle roman,rnais c'est un ph6nomene central du texte deノα Rθεん

`rc力`。

Antoine Compagnon d6clare a ce propOS que《 loin d'etre un d6tail du livre,un trait p6riph6rique de la lecture ct de

l'6criture,la citation repr6sente un etteu capital,un lieu strat6giquc et rneme

politique dans toute pratique du langage,quand eHc assure sa validit6,garantit

sa recevabilit6,ou au contraire les refute(21).》 IEn mettant entre guiHemets un

corps 6tranger, le Narrateur proustien l'assilnile dans son texte en meme

temps que l'en exclut.

Lメassinlilation:la citation fait partie du texte.Ene a une fonction assign6e

dans le roman; elle marque dans ia m6moire du lecteur un texte du pass6 d6tach6 du discours narratit L'exclusion : la citation n'appartient pas pleinement au temps du discours; ene ouvre un chenlin vers l'historiquc,

meme si elle est fausse;elle est un canal communicatif avec le rnonde ext6rieur,

le monde historiquc.La citation organise donc deux temps:le pass6 dans le

roman et le temps historique.Plus l'6cHvain cite,plus le roman rend 6pais le pas“。La r6paition inflnie― presque maniaque一 dc Proust i,troduit ainsi

des temps vari6s,forme des couches ou nappes de moments diff6rents.

Cela dit,1'infld61it6 s'imiposeo Nous avons dtta vu que l'infld61it6 de la

(13)

Proust entre guillemets

珂Outerle temps qu'introduit la citation:le temps r6κ r6.Ce deu対ё

me temps

renvoie au moment historique concret,mais comme nous l'avons d可 江dit,

1'acte de r6f6rence ne distingue pas structureHement une citation d'un texte

r6el et ceHe d'un texte flctif.Si les guiHemets semblent garantir l'authenticit6 du texte cit6,c'cst―≧―dire son existencc historique dans et hors du roman,1ls

iaissent rnontrer que son existence n'est pas garantie,justement,parle discours

romanesque qui,avec eux,d6coupe et rnet a distance le texte.La citation est

pour ainsi dire denli― ind6pendante du roman.

Lire Proust avec toutes ses citations abondantes, ce n'est pas un jeu 6rudit一 au moins attourd'hui ott les salons n'c対 stent quasiment pas et ot l'on n'exige de personne de montrer sa culture一 ,ce n'est pas non plus une tentative de retrouver l'enfance de l'auteur, c'est la meiHeure occasion de r6f16chir sur le rapport qu'entretiennent le langage et le temps,le roman etla r6alit69 1e moi et les autres. II faut rappeler que citer, c'est convoquer un

absento La citation chez P)roust est donc un appel vers les autres,vers l'histoire,

vers tout ce que l'auteur a connu,v6cu et perdu.

notes

(1)Bernard Brun,《 L'こtablissement du textc》,pour Marccl PЮust,D“ c∂′ごご

`ελ`乙

Swaれれ,texte 6tablic,sous ia direction de Jcan Mi‖ y,par Bcmard Brun et Anne Hcrschberg― Pierrot,Paris,Ganlier― Πalrlrnanon,1987,p.89.

(2)MarcCI Proust,ス ′b`″′J“

`Jlispar“`,texte prcsent6,`tabli et annot6 Par Annc Chevalicr, A′α″

`rc力θご′θ′

ρs ρ`r血,Paris,Ganirnard,co‖ .《 Biblioth"ue dC la P16iade》 ,t.IV,

1989,p.4-5。

(3)Marcel Proust,ス ιb`rri“θごj,ραr“

`,6dition int6grale,textc 6tabli,pr6sent6 et annot6 parJean Mi‖y,Paris,Champion,1992.

(4)Annc Hcrschberg Pierrot,Sヮ ′jS′j9“θご `ιαρ

rοs`,Paris,Belin,1993,p.105。

(5)Laurence Rosier,レ ごjscο “

rs rOρρOrrごr「lis′οjr`,′力ご0″j`s,ρrα′j9“θS,Paris 8ι BruxeHcs, Duculot,coH。 《Champs linguistiques》 ,1999,p.68-71.

(6)MarceI PrOust,《 Combray》,D“ ε∂′ごごθε力

(14)

Proust entre guillclrlets

Rey et Jo Yoshida,ctabli et annot6 par Francine GouJon,A′ α″

`rσん`グ′`″ρs′`rご″,

Paris,Ganirnard,coH.《 BibHothёque de la P16iade》,t.I,1988,p.50. (7)AJ'0″brθごθ∫ノι

“れθ∫ノπ

JιS`″ ノI`“r,texte 6tabli et annot6 par Picrre― Louis Rey,ス 滋

r`ε力 `″

εん

`du′`″ρS′`rdu,Paris,Ganiinard,coH.《Bibliothёque de la P16iade》 ,t.II, 1988,

p.57.

(8)Voir,par exemple,D“ ε∂′ごαθεん

`zS,α″″,coH.《 la P16alde》,ορ.ε

j′。,p.101:《

[¨。]

articulant les syHabes pour montrer quc,Inalgr6 1'emploi du style indirect,cHc IFran9oiSel rapportait,cn bonne domestiquc,les parolcs memes dOnt avait daign6 se servir le visiteur 〔…].》

(9)恥穐οJοgJ`s,I,3:1.

(10)D“ ε∂′ごグ

`ε力`zS″αれ,9′。Cj′。,p。26.

(11)rbjご 。,p.118-119。

(12)レ C∂′ごdθ G“′r用にれたs,texte 6tabli ct annot6 par Thicrry Lget et Brian Rogers,ス ια ″θε力 `rε 力 `グ“′`″ρs ρ`′ α “, Paris,GaHirnard,coH.《

lBibHothёque de la P16iade》,t. II,

1988,p.811.

(13)Chateaubriand,yli`α `Rα72εご,texte 6tabli,p魔 ,sent6 et annot6 par Maurice Rttard,

6E“ソr`s rο

“ “`s9″

S`′ツσツαg`s,t.I,Paris,GaHiinard,coH.《 Bibliothёque de la PIё iade》, 1969,p.1082.

(14)AJb`r′J“

`ごJspar“`,coH.《 Bibliothё que dc la P16iade》 ,9ρ.ε

j′。,p.39.Voir 6galement

la note,p.1054-1055。

(15)Jacques Nathan expliquc cette infid61it6 par le fait que l'cnfant Proust faisait

connaissancc avec Mme de S6宙gn6 par le biais de la citation orale(dOnc dqa d6fOrm6c)de

sa mё re ct de sa grand―mこ re.Voir《PЮust etles citations》 ,σJ″′Jο″s,rttre″ ε

`s`′α′ルSiO″∫

dしMarcθJ Pra″sr,2C6d。,Paris,A.Go Nizet,1969,p.26,notc l。 (16)D“ ε∂′ごα `ε力`zS″α″れ,9ρ・εJ′。,p。93. (17)JめJご。,p.93.Cf.A′ 'ο″b″ 滅夕s Jig“晟夕sノJた∫ `″ノ`“r,″ 。εj′。,p.542,p.550-551. (18)Voiria nOte,D“ c∂′ごごθεん `z Swaれ″,9ρo ε j′。,p.1146-1147. (19)JCan MiHy,二 z,′ん″αs`dしJPrο “ s′(1975),Gcnё ve,Siatkine Reprints,1983. (20)Saul Kripke,レ ′οgJ9“ `dしs″ο″∬ ρropr`S(1980),trad.fr。 っParis,IVIinuit, 1982;

Mon

sum6 doit largement a l'ouvrage de Thomas Go Pavel,Fjε′Jο″αJ Worids, HaⅣard

Univettity Press,1986,p.31-42.

(21)Antoine Compagnon,Lα SしθθんdセMaj″ θ

Jヒ′rαソαj′dヒJa c″α′れ,Paris,Le Scuil, 1978,p。 12.

参照

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